La doula qui fait peur.

crédit photo : Gioia Albano

En ce moment, tout explose dans le monde de la naissance : les violences obstétricales sont dénoncées tout comme l’absence trop fréquente de respect, de bienveillance, de consentement éclairé, d’information …Le manque de personnel, l’épuisement des soignants, la lourdeur du système font partie du problème. Le covid 19 en a rajouté une couche.

La peur, la solitude, l’isolement, le manque de confiance se sont aggravés durant la pandémie. 

Comment mettre au monde dans ces conditions? Comment trouver un espace de confiance dans tout ça? 

Et les doulas, celles qui peuvent soutenir les parents, offrir une présence qui rassure sont encore souvent devant la porte d’entrée de la maternité. 

Accès refusé. Pas partout mais leur présence dépend des équipes et des institutions. 

Pourquoi? Pourquoi cette présence dérange-t-elle tant? Pourquoi en est-on encore à avoir peur de cette personne qui n’est pas un.e professionnel.le de santé? Qu’est-ce qui dérange tant chez elle?

Il y a quelques semaines, J’ai accompagné mon fils hospitalisé. Je suis restée à son chevet, je lui expliquais les soins, je posais des questions pour lui, je faisais son lit, je l’aidais pour sa toilette …parce-que le personnel était débordé. Je suis restée avec lui tous les jours. Il avait besoin de moi, même s’il n’est plus un enfant. Il a pu se déposer.

Comment expliquer humainement qu’un couple se voit refuser une présence rassurante lors d’un des moments les plus importants de leur vie? Comment une doula , une personne significative, choisie, qui n’a pas de statut au sein de l’hôpital soit si «mal venue» pour de nombreux professionnel.les? De quoi a-t-on peur?  

Lorsque j’étais avec mon fils, j’ai exigé des réponses, j’ai certainement dérangé plusieurs professionnel.le.s car nous voulions avoir l’heure juste pour qu’il prenne les bonnes décisions. Parfois, si je ne posais pas trois fois la question différemment, je n’avais pas de réponse. Il fallait insister et il n’avait pas l’énergie pour le faire. C’est humain. Qu’une personne soit malade, qu’elle accouche ou qu’elle soit en soins palliatifs, elle doit être au cœur du processus de soins et se sentir en confiance. Cela nécessite du temps et du soutien. 

Une doula, telle que je la perçois depuis toutes ces années, est là pour rassurer et non pour offrir des réponses à tout ce qui arrive ou pour défendre des concepts; dans cette posture unique, sans responsabilité médicale, elle peut nourrir la confiance pour que la personne accompagnée ose vivre son passage avec le plus de calme et de sérénité possible. Nourrir la confiance ne signifie pas tomber dans la pensée magique ou être contre ce qui se passe. Au contraire, la confiance permet à l’accompagné.e d’avancer, pas à pas, quelque-soit l’issue. 

Les doulas ont donc aussi à réfléchir à leur posture auprès des parents au sein des maternités.

Être malade, accoucher ou être en soins palliatifs plonge la personne dans un état de grande vulnérabilité. Un.e professionnel.le qui se sent dérangé.e par un.e «patient.e» qui pose des questions ou qui manifeste un inconfort ou une incompréhension devrait se remettre en question. Je suis très consciente de la fatigue des professionnel.le.s . Je la connais bien car j’ai quitté ce milieu il y a plus de 10 ans, épuisée, découragée de ne pouvoir exercer dans de bonnes conditions. Mais n’oublions jamais que chaque personne hospitalisée est peut-être, elle aussi, fatiguée, épuisée, au bout de son espoir. Elle a peut-être grand besoin de se déposer dans les bras d’une personne de confiance. Ceci ne remet pas en cause la qualité des soins de l’équipe. Ceci n’est pas un refus de soins. 

Lorsque je suis devenue doula, après avoir travaillé en obstétrique, j’avais cette conviction que ce qui était le plus important dans l’évènement de la mise au monde était de se sentir soutenu.e… la femme qui accouche tout comme le père ou le co-parent. 

Le reste, les soins ou certaines interventions seront bien vécus si la confiance et la bienveillance ont soutenu les explications et permis de rester dans son pouvoir personnel.

J’ai passé de longues journées et nuits à être AVEC des parents en maternité, à écouter, à masser, à être fatiguée , à appeler du renfort parfois. Moi-même épuisée, je pouvais imaginer sans problème que cette femme qui avait des contractions depuis des heures  l’était elle aussi! Fatigue, peur, impatience. 

 J’ai touché à cette humilité de ne plus savoir quoi dire, quoi faire…juste être là. Ne pas la lâcher, ne pas juger. Ne pas comprendre mais rester AVEC elle. 

Comme doula, je peux le faire car je ne suis pas une professionnelle en obstétrique.  

Lorsqu’ils ont fini leur quart de travail et que les équipes changent, la doula reste la seule personne que cette femme, ce couple connait. 

C’est tout. C’est d’une simplicité déconcertante. Nous avons le choix de travailler ensemble POUR que ces parents vivent une expérience inoubliable. Cela signifie de laisser nos égos au vestiaires, tous, les doulas et les professionnel.le.s.