Réflexions croisées post formation entre Amélie et Isabelle.
Nous avons été invitées à rencontrer un groupe de femmes innues à Sept-Îles afin de les accompagner à créer leur pratique doula, adaptée aux besoins de leur communauté et participant à la sécurisation culturelle nécessaire dans les milieux obstétricaux.
En arrivant sur la côte nord, la puissance de la présence du grand fleuve, ou plutôt de la mer, nous a ramenées à notre humble place de femmes allochtones invitées dans une communauté qui nous a ouvert ses bras et son cœur.
Nous avons été en contact avec des femmes innues engagées, réflexives, investies malgré l’histoire, malgré les traumas et les mythes sur leur communauté qui perdurent. Et cela nous a fait réfléchir.
Comment Être à la bonne place à leurs côtés?
- Que représentons-nous pour elles ?
- Comment ne pas reproduire des comportements de prise de pouvoir sur elles?
- Comment soutenir pleinement leur projet d’accompagner les femmes et les familles de leur communauté?
- Comment soutenir leur confiance lorsqu’elles seront en milieu hospitalier avec les risques de ne pas être écoutées, comprises ou subir du racisme?
- Comment les accompagner dans une reprise de pouvoir après tant d’années de perte de pouvoir et de confiance?
En tant que doulas formatrices, nous nous sommes repositionnées avec cette nécessaire humilité:
Je ne suis pas celle qui sait mais celle qui soutient, qui écoute les besoins, qui se dépose «avec» afin qu’émerge leur vérité.
Je me dépose avec elles, dans leur qualité d’écoute, leurs moments de partages spontanés, dans leurs ouvertures et fermetures de nos journées.
L’important ce n’est pas la théorie ou les concepts mais c’est le lien, c’est honorer la confiance qu’elles nous offrent, c’est soigner un dialogue.
Nous avons rencontré des femmes, des mères et des grands-mères qui habitent leur rôle dans la communauté : elles prennent soin, elles accompagnent, elles transmettent et elles relient. Elles créent et entretiennent une dentelle de soutien spontané sans doute nécessaire depuis toujours.
Elles n’ont pas besoin de se mettre en avant; elles soutiennent, c’est une évidence. Elles portent l’essence de la doula et la reconnaissent en elles. Elles habitent leur place, silencieuses, discrètes et solides.
Nous avons rencontré des femmes très ancrées, humbles et riches d’un savoir inestimable, déposé en elles et conservé intact pour la transmission.
Elles nous ont fait le grand cadeau de nous parler d’elles, de leurs familles, de leur volonté d’apaisement. Avec tant d’amour.
Au-delà de nos cultures, il y a eu cette reconnaissance entre femmes qui se relient afin de nourrir et soutenir la force du féminin, raviver la confiance, nourrir les racines et le coeur de la communauté.
Être invitées auprès d’elles a réveillé cet essentiel d’humilité, de reliance nécessaire, d’écoute, de soutien qui nous semble l’essence d’être doula.
Nous avons été rappelées à cet essentiel. Elles nous ont montré comment réfléchir ensemble, construire ensemble, au service de la communauté.
Il y a eu aussi un apprentissage plus personnel.
«Je deviens grand-mère, j’ai pu ressentir avec celles que j’ai rencontrées la simplicité et la profondeur de cette place qui se dessine en continuité». Isabelle
«Mon père m’a souvent nommé sa grand-maman autochtone. Qui était-elle ? Où vivait-elle ? Qu’est-ce que je porte en moi venant d’elle» ? Amélie
Ce voyage a nourri encore plus profondément l’espace de la doula, celle qui accompagne toutes les étapes de la vie, celle qui nourrit la confiance des femmes et des familles.
C’est si simple qu’on l’oublie facilement. Dans nos transmissions aux doulas, nous désirons depuis le début, à Pleine Lune, nous réinstaller dans une présence simple et forte, qui réveille la confiance des femmes et des familles. C’est tout.
Isabelle & Amélie