Voici un extrait de mon livre « rituels de femmes pour réenchanter la maternité » illustré principalement par les photos de Chanel Baran.
« Célébrer la naissance […] le fait d’entrevoir un aspect du réel qui reste voilé pour nous autres, mortels ordinaires[1]. »
«…La femme qui enfante explore un espace de tumulte et de puissance, de peurs et d’abandon, de joie et de douleur.
Elle va mourir à son ancienne vie et renaître, telle la Femme source de vie [2].
Cette période réveille chaque femme à son histoire et à ses origines, histoire parfois oubliée mais inscrite dans chacune de ses cellules. Elle est ainsi appelée à défaire les nœuds de son propre vécu afin de rouvrir de nouvelles portes pour cette naissance à venir.
Le besoin de resacraliser la maternité se fait plus criant, et de plus en plus de couples recherchent un accompagnement en conscience et respectueux de la grandeur de ce passage.
Ils pressentent son impact sur la vie de leur enfant naissant mais aussi sur la leur et désirent le vivre et l’honorer pleinement.
Ils revendiquent leur droit de choisir leur lieu d’accouchement, leurs accompagnants et la possibilité de donner naissance dans le respect de la vie et de son chemin, à l’écoute de leurs besoins et sans interventions extérieures non nécessaires.
Les suivis et la technologie médicale ont pris tant de place qu’il n’y a plus vraiment de rituels et de transmission entre femmes au sujet des passages fondateurs de leur vie. La puberté, la maternité, la ménopause et la fin de vie ne sont plus accompagnées et ritualisées au sein des communautés. Même la conception est de plus en plus médicalement assistée.
Nous avons déposé notre savoir dans les mains du milieu médical,
inconscients des conséquences de cet abandon.
En ce qui concerne la maternité, nous n’avons jamais eu autant d’outils de diagnostic, d’assistance et de surveillance. Pourtant, les femmes continuent d’avoir peur car elles ont pour la plupart perdu confiance en leurs capacités à donner naissance depuis plusieurs décennies. L’expérience de l’accouchement reste mystérieuse. Or elle est souvent montrée de façon dramatique : de nombreuses émissions télévisées présentent des situations d’accouchements traumatiques ou dangereuses, au cours desquelles les femmes sont littéralement sauvées par le chevalier blanc du xxie siècle.
Nous avons confondu le mystère avec la peur et l’intensité avec la douleur.
Loin de moi l’idée de ne pas reconnaître la douleur vécue lors de l’accouchement. Mais il faut transmettre aux femmes que certaines conditions et environnement rendent l’expérience plus facile ou plus difficile.
Beaucoup de protocoles mis en place en milieu hospitalier ont contraint, immobilisé, isolé et souvent infantilisé la mère. En voulant contrôler et normaliser un événement aussi puissant et instinctif que la naissance, on en a perdu la connaissance profonde et intrinsèque, celle qui guide, qui ouvre, qui accompagne la vie.
Car accoucher signifie pour moi accompagner la vie qui naît, s’ouvrir à cette vie.
Devenir mère, c’est surfer sur les vagues de l’intensité, de l’incertitude, de la peur et de la joie. Cette traversée aux confins de ses limites et de ses croyances ouvre un espace jusque-là méconnu : l’intuition s’éveille, les sensations ouvrent la voie, l’abandon devient possible et une femme renaît.
Ce processus n’a rien à voir avec l’issue de l’accouchement. C’est le chemin emprunté qui transforme et guérit chaque femme.
Dans cette ouverture à transcender une histoire gravée dans la mémoire familiale ou collective, les parents se permettent alors de vivre un nouveau scénario, de poser un regard neuf sur cette expérience de la naissance.
Car tout est toujours possible… La vie est beaucoup plus surprenante qu’on ne l’imagine.
Ainsi, un nouveau chemin est ouvert pour leur descendance, libérée du carcan des croyances accumulées.
Bien sûr, ce passage n’est pas toujours vécu facilement, comme tous ceux qui jalonnent notre vie. C’est pourquoi il a besoin d’être contenu avec bienveillance afin de permettre à chaque femme et à chaque homme partenaire de se révéler en toute sécurité mais sans intervention extérieure inutile.
Chaque histoire est unique
Chaque grossesse, chaque enfantement, chaque allaitement, chaque paternité est une histoire particulière, la naissance d’une relation unique et précieuse pour chacun.
L’arrivée d’un nouveau-né reste nimbée d’inconnu, de magie, et parfois même relève du miracle. Quel que soit le parcours vers la procréation, que les parents aient recours à la médecine en cas d’infertilité, que la grossesse ou l’accouchement ne se déroulent pas comme prévu, que l’enfant ou la mère aient besoin de soins après la naissance, il est possible de réintroduire une dimension sacrée tout au long des processus.
C’est elle qui nous relie à un espace intangible, inexplicable vastitude qui nous bouleverse à chaque naissance, que nous touchons à travers le regard profond du nouveau-né… ou du mourant. Même si cela dérange, le premier passage tout comme le dernier nous rappellent notre lien avec cet espace d’où nous sommes issus et auquel nous appartenons, le plus grand que soi, là où la conscience s’ouvre et existe dans l’infini. Là où ne sommes pas réduits à la peur et à la survie. Là où la vie est sacrée et honorée.
La Femme source de vie rejoint le monde des esprits : elle sait voyager entre les mondes.
Je vous propose, dans ce livre, de voyager du concret au plus subtil de la naissance, d’ouvrir votre cœur à l’immensité des possibles, de visiter vos peurs sans y sombrer, de partir tout simplement à la rencontre de votre Femme source de vie.»
[1] Frédérick Leboyer, Célébrer la naissance, Seuil, 2007.
[2] Je fais référence dans ce texte au conte que j’ai écrit et qui ouvre le livre des rituels : le conte de la Femme source de vie.