Ce thème de la confiance est au cœur de mes réflexions depuis plusieurs années.
Comment les personnes qui mettent au monde peuvent-elles nourrir leur confiance à l’ère technologique obstétricale actuelle? Le défi est là. Au cœur des injonctions à se prendre en charge et à s’écouter, comment peuvent-elles y parvenir au sein d’une société et de maternités qui ne parlent que de risques à surveiller.
Les suivis de grossesse sont jalonnés de tests et d’interventions depuis plusieurs décennies. Ainsi une lente déconstruction de la confiance des femmes en leur capacité à se prendre en charge et à mettre au monde par elles-mêmes s’est opérée et actuellement, peu de personnes y croient vraiment.
La peur de prendre des risques a été bien intégrée : car vouloir éviter des interventions jugées non nécessaires est souvent associé à une prise de risque.
Une mère ne choisit plus ce qui est le plus juste pour elle. On lui dit quoi faire.
Les doulas sont également à risque de perdre cette confiance fondamentale, profonde que tout est possible et que leur présence peut faire une différence lors de l’enfantement.
Nous avons tous.tes à refaire ce chemin vers la confiance. Pas la pensée magique. La confiance qui permet d’avancer un pas à la fois afin de traverser les peurs et les injonctions.
Trouver sa propre voie.
Un mélange d’intuition et de confiance en soi.
Un mélange de force et de vulnérabilité.
Donc la question n’est pas de rajouter des injonctions de réussite aux femmes mais de se questionner comme doula ou professionnel.le par rapport à ma place auprès d’elles, par rapport à mon engagement à lui permettre de vivre une expérience unique et non médicalisée si possible.
J’ai accompagné des centaines de personnes et je me souviens de ces moments, de ces minutes suspendues, quand elles pensent qu’elles n’y arriveront pas et qu’elles demandent la péridurale …Leur vraie demande est plutôt: « Comment faire pour traverser? J’ai peur! Je n’y arrive pas! Vais-je y laisser ma peau? » J’ose lui tendre la main, sans savoir ce qui va se passer, mais sachant rassurer. Je reconnais ses peurs et cela la soulage déjà. Je propose un changement de position, un bain et c’est surtout notre confiance mutuelle qui ouvre le champ des possibles. Si je n’y crois plus moi-même, comment peut-elle retrouver sa propre confiance? C’est en moi que ça se passe. Pas en elle. Et j’accepte les pleurs, les cris, l’impuissance sans quitter ma présence. Et alors, elle sait que je ne la lâche pas. Elle est en sécurité. Elle ose avancer. Et lorsque ce moment est traversé, sa force se manifeste car elle n’a plus peur de mourir ou de disparaitre dans cette fracture de son être.
Qui peut traverser une telle intensité seul.e.s? Car les deux parents sont confrontés à ce vortex. La présence d’une doula nourrit la confiance des deux partenaires parents. Si il n’y a pas de doula et que son partenaire est trop ébranlé, comment peut-elle avancer?
Accompagner dans ce sens ne signifie pas être contre la péridurale mais c’est savoir qu’elle est une mauvaise réponse à la peur. Elle est utile pour les accouchements difficiles, pas pour toutes les situations. Car elle n’est pas sans impact.
Donc, même si les maternités semblent fermées aux doulas, l’enjeu est ailleurs : êtes vous prêtes a y aller quand même? Êtes-vous assez convaincues de votre apport pour impliquer les parents afin qu’ils exigent votre présence choisie, sécurisante? Personne n’aime se retrouver sans soutien dans un passage difficile : mise au monde, maladie ou fin de vie.
Voilà à quoi sert une doula.
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