crédit photo: Marie-Eve B.Lévesque
Je réfléchis beaucoup sur ce rôle premier de la doula.
L’évolution de la doula actuelle est-elle toujours en lien avec cette essence?
Le rôle d’une doula a été défini en 1992 par Marshall Klaus, John Kennel, Penny Simkin et Annie Kennedy[1]car ils avaient découvert l’importance du soutien émotionnel et physique d’une personne qui enfante.
Actuellement, selon les lieux, la présence des doulas en salle de naissance n’est pas toujours bienvenue et les doulas doutent parfois de la nécessité de leur venue dans ces maternités . Pourtant, l’hypermédicalisation des naissances continue et appelle une présence auprès des couples dans ces milieux peu ouverts à respecter les besoins réels des femmes qui enfantent et où les interventions sont normalisées à outrance.
Lorsque nous avons débuté au début des années 2000, nous, les anciennes doulas, la question de notre présence à la naissance, de nos semaines de garde, ne se posait pas. Être doula signifiait être présente aux accouchements. Même si l’équipe n’était pas accueillante de cette présence parfois jugée inutile. Nous mettions en place un continuum en rencontrant la famille en prénatal afin de les informer et de créer un lien, d’écouter, d’installer la confiance pour le jour J. Et nous étions là en post natal afin de soutenir les premières semaines de cette famille et d’intégrer le vécu de cette naissance.
Lorsque les parents nous engageaient, aucun doute ne s’immisçait dans notre proposition d’être là lors de la naissance. Après toutes ces années, des centaines d’accompagnements en présence et des milliers d’heures de garde, je peux affirmer à quel point ma présence à la naissance a fait une différence. Je l’ai constaté dès le début en fait. Les parents, parfois sceptiques, réalisaient cette évidence pendant et après la naissance. Ils me disaient alors : « je ne pensais pas que nous pouvions le vivre ainsi! Ta présence nous a permis d’y croire et d’aller plus loin. »
Comment mettre des mots en prénatal sur une future expérience qu’ils n’ont jamais vécue ou qu’ils ont vécue avec des intervenions, avec une analgésie ?
Il est très difficile d’imaginer ce que l’on ne connait pas.
Si les doulas ne sont pas toutes convaincues de leur place en salle de naissance, nous avons failli dans nos formations. Et je cherche encore comment trouver les mots pour que cette évidence rencontrée résonne plus largement.
Mais je comprends aussi que tant que les doulas ne se mettent pas en situation auprès des parents en salle de naissance, elles-mêmes ne peuvent pas y croire entièrement.
Lorsque l’argument des parents est : « nous voulons notre intimité en salle de naissance», la réponse est simple : en milieu hospitalier, vous serez dérangés, vous aurez parfois plus de 5 professionnels qui vont aller et venir dans votre environnement. La bulle ne sera pas préservée. Le rôle de la doula est de maintenir l’attention des parents sur eux, en eux, avec leur bébé dans un tel environnement peu propice. Elle peut être cet ancrage qui permet de garder le cap malgré les dérangements et surtout, lorsque la mère a l’impression qu’elle a tout fait, qu’elle frappe un mur, la doula peut lui permettre de rester dans son pouvoir, de traverser sa limite et de ressentir cette force incroyable.
Ces moments suspendus en maternité sont déterminants, lorsqu’on a quelques minutes pour trouver les mots, pour que cette confiance établie avec cette femme, ces parents se matérialise et permettent ce qu’ils ne pouvaient imaginer.
Ma présence sans faille à leurs côtés a permis cela.
Des secondes, des minutes qui transforment l’expérience.
Des secondes et des minutes remplies de confiance, de ne pas savoir où l’on s’en va mais de nourrir le champs des possibles.
Voilà le rôle premier de la doula.
Être là, présente, confiante.
La seule information n’est pas suffisante, il y a une expérience à vivre AVEC eux.
Car ce passage est exigeant, bouleversant pour les parents et ce soutien est primordial. Les résultats sont impressionants.
[1] https://www.dona.org/the-dona-advantage/about/