Accouchements non médicalisés: pourquoi le message ne passe pas?

photo Marie Eve Lévesque Souvenir de formation doula

Cette question me hante depuis des années puisque je vois la médicalisation de la naissance prendre toujours plus de place . En accompagnant les doulas dans leur apprentissage, je constate la difficulté à faire passer le message de la possibilité d’enfanter sans intervention en milieu hospitalier auprès de nombreuses familles: « comment peut-on remettre en cause des décisions médicales alors qu’ils savent ce qu’ils font, tout de même, ce sont des médecins, des infirmières ou des sages-femmes! »

Mettre au monde en refusant des interventions non nécessaires requiert une solidité et une conviction pas toujours faciles à tenir dans notre système de santé, quel que soit le lieu d’accouchement.

De nombreux parents recherchent une doula mais les uns comme les autres ne portent pas toujours la certitude que la femme peut mettre au monde par elle-même et que l’équipe médicale n’a pas tous les pouvoirs. Comment imaginer que les protocoles mis en place en obstétrique pourraient nuire ? Ou même interférer dans les processus physiologiques et psychologiques de la personne qui enfante?

La doula, en prénatal , informe sur ce qu’il est possible de mettre en place pour ne pas nuire à la mise au monde, mais concrètement, les parents peuvent-ils s’en sortir seuls le jour de l’accouchement?

La simple information m’apparait clairement insuffisante dans la plupart des cas. Le besoin de soutien d’une personne non médicale est important dans la structure hospitalière et cela a même été reconnu dans des études[1].


[1] https://www.inesss.qc.ca/publications/repertoire-des-publications/publication/mesures-prometteuses-pour-diminuer-le-recours-aux-interventions-obstetricales-evitables-pour-les-femmes-a-faible-risque

Être doula aux naissances n’est pas facile. C’est exigeant et fatiguant de se heurter à des équipes qui ne comprennent pas la mise au monde au-delà des normes médicales déconnectées du vécu de la personne enceinte. C’est pourquoi beaucoup de doulas n’y vont pas ou plus. Alors les parents sont laissés à eux-mêmes. On leur certifie qu’ils sont bien préparés et que ça se passera bien …

Être doula est loin d’être simple dans le contexte actuel et on ne peut pas se contenter de vendre sur les réseaux sociaux la puissance des femmes qui enfantent parce-que l’immense majorité (plus de 90%) met au monde en milieu hospitalier, sous contrôle médical. Elles sont alors très seules, avec leur partenaire souvent inquiet.e de prendre le moindre risque face à toutes les interventions recommandées. Parce-que les interventions apparaissent sécurisantes dans la grande majorité des cas.

Mettre au monde par soi-même, sans intervention médicale, en milieu hospitalier, devient anecdotique à notre époque, presqu’inexistant.

Les personnes qui accouchent sans péridurale (l’intervention la plus commune qui en entraine d’autres dans son sillage, tels le soluté, le monitoring continu …) représentent moins de 3 personnes sur 10 au Québec et moins de 2 sur 10 en France. Les chiffres de la médicalisation augmentent d’année en année malgré l’accès à l’information et les réseaux sociaux.

Donc le message sur la possibilité d’accoucher par soi-même, même en milieu hospitalier, passe très mal.

Des parents ont demandé à des doulas d’être là dès la médicalisation des naissances et de façon plus fréquente dans les années 80 car ils réalisaient (souvent après une première expérience en maternité hospitalière) qu’ils avaient besoin de soutien. C’est le rôle premier de la doula : être avec eux.

Lorsqu’une personne remet en cause une décision médicale, on lui dit qu’elle se met en danger. Les parents ont donc besoin d’un soutien réel tout au long des processus de l’enfantement.

Car comment garder confiance face au système dans un moment d’immense vulnérabilité et de solitude? Comment trouver sa place, seul.e, face à un milieu médical qui prend tout pouvoir et dans lequel celle qui met au monde et qui nomme ses besoins sera perçue comme  dérangeante voire dangereuse?

Nous devons nous questionner sur le contenu de nos formations pour les doulas, sur la pratique actuelle et l’évolution que nous envisageons pour que ce rôle ne disparaisse pas. Et nous devons aussi nous questionner sur la diffusion des informations aux professionnel.les et aux familles concernant la nature de la mise au monde versus les dangers de l’hypermédicalisation lorsqu’elle n’est pas nécessaire.