Être présentes aux naissances…un enjeu actuel pour les doulas

Crédit photo ME.B.Lévesque

Je rentre d’un périple en Europe au cours duquel j’ai rencontré de nombreuses doulas et sages-femmes. 

Les journées proposées aux doulas étaient axées sur l’exploration de la posture de la doula dans notre société, auprès des familles qui accouchent en structure hospitalière. Explorer les accompagnements plus compliqués et comment bien accompagner les situations médicalisées. Car le besoin des femmes et des parents est encore plus grand dans ces situations. Cela requiert de la préparation de la part des doulas, de l’apprentissage et surtout de faire le choix d’être présentes.

Car le rôle des doulas est d’être auprès des familles, n’est-ce pas? Pourtant, je constate que s’engager à être présentes lors des mises au monde en structure hospitalière intéresse de moins en moins les doulas. 

Parce-que c’est exigeant en temps et en énergie.

Pourtant, c’est ce qui devrait nous animer car c’est l’essence de notre pratique.

Si je ne désire pas être aux naissances en milieu hospitalier, pourquoi devenir doula? 

Que deviennent les doulas? Cette question me hante depuis quelque temps.

Je forme des doulas depuis 15 ans car j’ai voulu transmettre mes acquis afin de démultiplier notre présence dans un système qui a isolé les femmes et leur famille. 

Dans cette formation à Pleine Lune, nous n’avons aucun doute sur notre identité de doula et sur notre rôle. Nous l’avons pratiqué, exploré durant 20 ans et notre place est très claire. 

Mais voilà, depuis quelques années, de nombreuses formations ont vu le jour et des personnes n’ayant pas ou si peu pratiqué transmettent des connaissances mais pas de savoirs

Une connaissance qui n’a pas été gestée, explorée est vide. Et cela prend plus que 2 ou 3 accompagnements pour être expérimentée…Les doulas formées sont alors confuses quant à leur rôle et à leur place.

Je constate dans mes voyages à la rencontre des doulas que certaines formations leur transmettent que l’information est suffisante [le savoir c’est le pouvoir] et que les doulas n’ont pas à aller aux naissances car les femmes sont bien préparées: il ne faut pas avoir assister à des mises au monde en milieu hospitalier pour oser affirmer ceci. Le savoir est important mais pas suffisant dans notre système médical.

Et la confusion sur le rôle de la doula continue d’être nourrie.

Le marketing a pris le dessus sur la qualité des contenus depuis quelques années. 

Personnellement, je sais ce qui m’a amenée à être doula il y a 20 ans et à m’engager dans cette pratique: j’ai entendu les demandes des parents, j’ai assisté leurs expériences. J’ai créé une pratique afin de remplir ce rôle : les aider à accueillir leur enfant dans le respect de leur corps et de leurs valeurs; ceux qui ne voulaient pas de médicalisation étaient soutenus afin qu’ils aillent au bout de leur expérience. 

Dans notre système, lorsqu’une femme met au monde son premier bébé, si elle n’est pas accompagnée pendant les longues heures d’un premier accouchement,  il sera difficile pour elle de ne pas prendre la péridurale : elle va être dérangée, elle peut avoir peur, son ou sa partenaire peut paniquer, on va leur proposer à répétition d’accélérer ou de la soulager de cette douleur impossible…Et oui accoucher sans péridurale ou sans  déclenchement en milieu hospitalier est possible mais requiert du soutien! Je le sais car j’en ai accompagné des dizaines qui ont accouché par elles-mêmes en milieu hospitalier…sans intervention. Cela requiert une présence sans faille pour nourrir la confiance. 

Les chiffres actuels nous montrent des taux de péridurales de plus en plus élevés 73,6% au Québec et 82,7% en France

Il y a un certain déni collectif de la part de nombreuses doulas en ce moment sur ce qui se passe dans les salles de naissance. 

Être accompagnée va réellement changer l’expérience de celle qui met au monde et la rendre autonome et confiante. Être accompagnée solidement par une doula présente et engagée. 

Et si les doulas ne peuvent pas rentrer en maternité, peut-être doivent-elles reformuler leur présentation, repréciser leur rôle afin d’effacer toute confusion et surtout explorer leur conviction à transformer cette réalité. Parce-que toute personne qui rentre dans une structure hospitalière pour une mise au monde ou un problème médical devrait avoir le droit d’avoir une personne non médicale qu’elle a choisie pour être avec elle.

I. Challut