Crédit photo Laloba
La doula est ce fil qui relie les temps de la parentalité.
Ma réflexion continue quant à la nature profonde de la doula et son essence. Quels sont les enjeux, les difficultés de se vivre doula dans notre société et d’habiter cette place?
Être doula a séduit beaucoup de monde ces dernières années car elle représente un archétype du féminin et de ses valeurs de sororité, de soutien, de communauté… qui sont des valeurs peu ancrées dans notre société. L’engouement a entrainé la naissance de nombreuses formations, parfois même dispensées par des personnes n’ayant pas de réelle expérience pratique de doula.
S’incarner doula n’apparait pas si facile dans ce contexte. Accompagner dans le milieu hospitalier est parfois difficile, confrontant et la doula peut avoir du mal à trouver sa place. Elle a besoin d’être soutenue et entourée dans son apprentissage.
Être doula et vouloir incarner cette posture de présence dans notre culture est donc un défi. Elles ont parfois l’impression qu’il faut toujours plus de compétences ou de connaissances. Que la reconnaissance de ce qu’elles proposent passe par un nombre d’heures de formation en perpétuel augmentation et de plusieurs services à offrir.
Et si plus, c’était moins? Et si trop, ça n’était pas assez?
Pas assez de simple pratique doula et beaucoup d’autres choses qui augmentent la confusion du public et des professionnel.le.s de santé.
Être en présence se vit dans les accompagnements. Parfois c’est simple. Parfois non.
Parfois on est bien accueillie. Parfois non.
Parfois on ne sait pas quoi faire.
Parfois on ne comprend pas ce qui se déroule, parce-que la vie a ses mystères.
La doula ne sait pas tout mais elle reste auprès de la famille car c’est sa place. Toute simple, ni thérapeutique, ni professionnelle de santé.
La doula est ce fil qui relie les temps de la maternité et de la parentalité, qui relie les êtres autour de ce passage fondamental de la mise au monde et des autres passages de vie.
Mon voyage à la rencontre d’un groupe de femmes innues a été bouleversant à bien des niveaux car nous avons réussi à nous relier et à nous enseigner les unes les autres avec beaucoup d’humilité. Et surtout, j’ai constaté à quel point, elles étaient convaincues de l’importance de leur présence auprès des membres de la communauté qui en ont besoin. Et la présence d’une doula avant, pendant et après la naissance s’est révélée comme une évidence, comme un point d’ancrage très important pour les familles, pour les femmes et leur reprise de pouvoir sur leur corps et leurs mises au monde.
Ces femmes n’ont pas questionné leur légitimité d’être auprès de celles qui accouchent; elles n’ont pas cherché à tout savoir, à tout comprendre. Être là, donner confiance, avoir des outils simples, réveiller les connaissances et sécuriser leur a semblé complet et suffisant.
Car être une femme, être autochtone et mettre au monde un enfant en milieu hospitalier multiplie les risques de ne pas être entendue, écoutée, soutenue. Et être une doula autochtone est un défi qu’elles choisissent de relever car la communauté en a besoin.
Alors elles ont réfléchi à une mise en place d’une pratique de doula dans leurs communautés pour relier les familles et les communautés. Une sera avec la famille en prénatal. Lors du transfert pour la mise au monde, une autre doula prendra le relai.
Et elles ont rêvé à la suite pour qu’il n’y ait plus de transferts, pour que des sages-femmes reprennnent leur place dans les communautés.
Dans leur fragilité et vulnérabilité, elles m’ont montré leur force et leur engagement pour quelque chose de plus grand, pas pour une pratique individualisée mais pour une communauté. Pour les femmes. Pour les familles. Pour les enfants. Elles se sont mises au service des familles, au service d’une pratique.
Une belle leçon d’humilité.
Isabelle Challut