Mettre au monde un enfant demande de la sécurité, de la confiance, du respect et de la bienveillance. Voilà pourquoi certaines femmes choisissent de donner naissance à domicile ou en maison de naissance, avec LEUR sage-femme, LEUR doula, LEUR amoureux/se, LEURS enfants… Car elles sentent intuitivement que la présence de personnes connues, aimantes sera bénéfique.
Ces femmes veulent se sentir en sécurité et cherchent le lieu et les personnes qui vont leur offrir cet espace.
Il est faux de penser que seule la gestion de la douleur préoccupe une femme qui va accoucher. C’est devenu une priorité dans notre culture médicale mais la douleur n’est pas insurmontable et n’est pas le point le plus important puisque, quand on revient aux processus, on comprend que la douleur peut être augmentée dans des situations …très fréquentes en maternité hospitalière.
On se trompe de priorité. Car de nombreuses femmes traversent leur accouchement sans être traumatisées par la douleur lorsqu’elles sont bien accompagnées. Le trauma vient plus souvent du manque d’écoute, de respect et de bienveillance. Et si la douleur est insurmontable (pour différentes raisons), la péridurale existe pour ces situations difficiles.
Mais on réduit encore la mise au monde à la gestion de la douleur. Quelle erreur!
Les savoirs intuitifs des femmes ont été confirmés par des études (et oui!) qui sont largement diffusées mais certains cercles semblent imperméables à ces évidences.
Par exemple, au Québec, le portail d’information prénatal du Québec INSPQ décrit les processus hormonaux et ce que tout professionnel.l.e devrait savoir. Nous pouvons lire sur ce document que « l’accouchement est une expérience multidimensionnelle (physique, psychologique, sociale et environnementale) ne pouvant pas être réduite à des paramètres biophysiques » et que la présence de personnes choisies est déterminante ; chacun a une place qui lui est propre et c’est la présence de toutes ces personnes autour qui se complètent qui peut faire une différence. Dans un autre document, l’OMS décrit aussi très bien l’importance des soins personnalisés en maternité. Lorsque le déroulement de l’accouchement se passe physiologiquement, des interventions non nécessaires peuvent s’avérer dangereuses.
Les réels besoins d’une femme qui accouche.
Une femme a-t-elle besoin qu’on lui rappelle tous les risques qu’elle encourt le jour J? A-t-elle besoin d’avoir une péridurale rapidement? A-t-elle besoin qu’on lui dise quoi faire et quand le faire? Sera-t-elle encouragée si on lui fait peur? A-t-elle besoin systématiquement d’aide extérieure pour faire naitre son enfant?
À l’hôpital, UNE seule infirmière ou UNE seule sage-femme peut-elle répondre adéquatement aux besoins d’une femme qu’elle connait depuis quelques minutes, dont elle ne parle pas forcément la langue maternelle, de qui elle n’est pas proche tout simplement?
Elle connait tous ses antécédents médicaux …mais que sait-elle de ses peurs, de ses histoires de vie, de ses émotions, de celles de son/sa conjoint.e? Voilà pourquoi je suis devenue DOULA et voilà pourquoi, lorsque j’ai débuté comme infirmière en obstétrique il y a 22 ans, j’ai compris très vite que ce qui allait aider une femme qui venait mettre au monde son enfant était de se sentir en SECURITÉ, AIMÉE, RESPECTÉE … si je la suivais humblement dans ce qu’elle vivait, je lui permettais d’aller au bout de son expérience.
Si j’essayais de la contrôler et de la contraindre par des protocoles, je bloquais les processus. Et si elle était déjà prise dans un protocole médical, je pouvais créer un espace DANS le protocole et lui offrir la possibilité de s’écouter, de restée connectée à son bébé, de ne pas trop mettre son attention autour mais de rester en elle, avec ce bébé, avec son souffle, avec cette intensité, avec l’inconnu, avec le mystère, avec sa peur peut-être …en lui promettant de RESTER AVEC ELLE, dans ce chaos et de ne pas la lâcher.
Lorsqu’elle traverse tout cela, elle touche à une force et à une confiance qui la transformeront à jamais. Si elle ne peut pas traverser, si je la soutiens dans sa vulnérabilité, elle sera transformée aussi car elle sera allée au bout de son expérience. Devenir mère inclut toutes ces facettes, les belles et les difficiles; et c’est le passage qui a besoin d’être soutenu, quel qu’il soit, et quelle en soit l’issue, car ce passage restera inscrit dans l’histoire de cette femme et de ce bébé…pas seulement le résultat mais chaque instant vécu.
Et pour certaines femmes, les enjeux sont encore augmentés. En ce moment, la pandémie sert encore de prétexte pour refuser les partenaires et les doulas aux côtés des femmes qui enfantent en milieu hospitalier malgré les recommandations ministérielles. Et certaines femmes accouchent dans des conditions difficiles parce qu’elles sont autochtones, immigrantes, qu’elles ont une histoire différente, une couleur de peau différente, une culture différente, une langue différente… elles subissent plus d’interventions et ne sont pas toujours écoutées ni respectées.
Voilà pourquoi je participe à la formation de doulas autochtones:
Pour que ces femmes retrouvent confiance, dignité, respect et force, quelle que soit leur expérience. Parce-que bâtir une famille demande de renforcer la confiance et de pouvoir tisser des liens dans la communauté. Parce-que toute une communauté peut être transformée par une réappropriation des savoirs intuitifs.
Isabelle Challut