Rencontre avec les doulas autochtones de Uashat qui accompagneront les femmes à l’hôpital.
Depuis quelques mois, un projet est développé par le ministère de la santé au Québec afin de mettre en place des services dans les communautés autochtones. Ces femmes qui vivent souvent loin du centre d’accouchement sont déplacées à plusieurs heures de chez elles dès 37 semaines : loin de la famille, loin des autres enfants, dans une ville où elles se retrouvent isolées, recevant des soins dans une langue qu’elles maitrisent plus ou moins.
Il y a un projet à long terme qui est de former des sages-femmes autochtones dans les communautés, comme cela se fait chez les inuits depuis de nombreuses années. Cela permet d’éviter des transferts de plusieurs semaines ayant un impact non négligeable sur l’expérience des femmes et des familles. Surtout, cela permet à ces communautés de se ré approprier ce moment de la naissance et de l’accueil des bébés.
Or, développer des formations de sages-femmes autochtones va prendre plusieurs années… car il manque des sages-femmes pour assurer cette transmission.
Que peut-on faire en attendant? Que proposer à ces femmes qui se retrouvent très vulnérables, isolées, qui ne sont pas toujours bien accueillies en ville, parce-que le racisme envers les autochtones existe malheureusement et que la déconstruction des préjugés prendra du temps.
Isabelle Brabant, sage-femme en charge de ce projet de développement dans les communautés autochtones a proposé, en attendant que des sages-femmes puissent être formées, que des doulas soient formées pour accompagner les femmes. Un projet pilote a débuté sur la Côte Nord.
Des doulas formées dans les communautés vont accompagner les femmes en prénatal puis en post natal à leur retour de l’hôpital, en collaboration avec le suivi des infirmières et des médecins.
Leur rôle est de leur transmettre certaines informations, de les mettre en confiance et de recréer un réseau de femmes autour d’elles. Elles vont les aider à s’informer, à retrouver leur pouvoir dans ce moment fondateur en réveillant des connaissances.
Et il y a aussi des doulas autochtones vivant en ville, près de l’hôpital, qui ont été formées et qui vont prendre le relai des doulas de la communauté.
Ainsi la femme et sa famille seront accueillies par une doula en ville qui va les accompagner lors de l’accouchement. Elle pourra leur expliquer dans leur langue ce qui se passe; elle aura les connaissances pour les renforcer dans leur ressenti, leur besoin de bouger, de s’étirer… et surtout de se faire confiance et de se sentir en sécurité. Elle va soutenir aussi le partenaire ou la personne présente en expliquant ce qui va aider les processus et aussi ce que suggère l’équipe.
Le deuxième volet de ce projet a été de donner une formation sur la physiologie de la naissance à l’équipe infirmière de l’hôpital et du prénatal de la région du projet pilote. Une visite avec les doulas a été organisée dans la maternité afin de mettre tout le monde en lien, de réexpliquer le rôle des doulas qui est un rôle de soutien, de sécurisation, de présence continue pour traverser les processus de la mise au monde. Une collaboration s’installe avec beaucoup d’ouverture. Des rencontres sont prévues à la suite afin que tout malentendu, incompréhension puissent être partagés et ainsi éviter de rompre la collaboration.
Donc, en tant que doula, j’ai assumé les formations, invitée par Isabelle Brabant, sage-femme responsable de ce projet. Nous avons répété souvent quelle est la différence entre une sage-femme et une doula sans que ce soit un problème, puisque nous n’avons aucune ambiguité sur le rôle de chacune. De nombreuses femmes des communautés ont accueilli avec beaucoup de joie la présence de cet accompagnement non médical, complémentaire dont le rôle principal est d’être en soutien des femmes, de les sécuriser.
Cette doula représente un savoir féminin ancestral qui peut collaborer avec les professionnel.le.s puisque leurs rôles sont clairement différents.
Ce projet porteur de sens pour les femmes autochtones résonne bien sûr pour toutes les femmes, allochtones et autochtones.
Et si ce projet peut inspirer des lieux d’accouchement à mieux comprendre le rôle des doulas, nous sommes disponibles pour en parler.
Isabelle Challut