Éloge de la nuance et de l’Instant.

credit photo Marie-Eve B.Lévesque

Ce matin, pendant ma pratique de yoga, la notion de nuance s’est invitée.  En yoga, chaque exercice propose une exploration profonde, fine, de l’esprit et du corps selon ses tensions, sa souplesse et ses limites. 

L’objectif n’est pas d’obtenir une forme imaginée parfaite. 

L’objectif est de se connaitre assez afin d’exprimer la posture avec le plus de justesse dans l’instant.

Le yoga, la vie, la mise au monde, la fin de vie se rencontrent perpétuellement dans mon esprit. 

Parce-que que je perçois la finesse et la subtilité en jeu à chaque instant.

Certain.es tentent de présenter leur propre expérience comme étant la chose à vivre et créent des recettes pour les autres: comment parvenir à une posture de yoga soi-disant parfaite ou comment accoucher sans péridurale et rapidement. 

Notre société aime les recettes. 

Mais voilà, chaque personne et chaque expérience est unique dans l’instant.

Chaque expérience vécue dans l’écoute de soi nous rapproche toujours plus de qui nous sommes et de nos besoins dans l’instant. 

 On ne peut pas répéter la magie d’un instant. Elle est unique.

Ma pratique de yoga du jour m’a propulsée dans l’importance de parler de nuance car la vie est tout en nuance et en subtilité. 

La mise au monde aussi. 

Lorsqu’une femme enfante, ce qui peut être perçu comme un détail peu important sera peut-être ce qui la sécurise, rassure, réconforte ou ce qui la déstabilise, déconcentre ou instille la peur.

 Beaucoup de professionnel.les ne s’occupent que des données observables durant l’accouchement : l’ouverture du col, l’intensité des contractions, la durée.

 Ils projettent, analysent tout sauf ce que vit cette femme. 

Est-ce qu’elle se sent en confiance, en sécurité en ce moment?

Qui se préoccupe de sa respiration, de ses angoisses, de sa liberté de mouvement, de ses besoins? Parce-que chaque contraction apporte son lot de stress, de peur, de perte de confiance.  Chaque instant a son intensité, ses émotions et ses défis. L’ouverture du col et les contractions dépendent de son état intérieur. C’est de lui dont il faut s’occuper.

Les multiples petites attentions, les mots chuchotés qui rassurent, une main qui effleure ou qui tient fermement sont connues des femmes qui accompagnent. Elles ont toujours su faire, discrètement mais solidement. Accompagner exige force et ancrage.

 Tous ces petits gestes, jugés trop simples, sont ignorés voire dénigrés face à la puissance d’un savoir médical. Ils sont pourtant les plus importants. Mais seules celles qui le vivent et celles qui accompagnent le savent.  Ils sont de l’ordre de l’intime, du féminin. On diminue ces savoirs alors qu’ils sont connectés à la puissance de la mise au monde depuis toujours.

 « Mesdames et messieurs les professionnel.les d’obstétrique, si vous saviez écouter et observer, vous auriez compris depuis longtemps ce qui favorise ou nuit à une mise au monde, au-delà de vos seuls tests. Et les personnes qui affirment avoir découvert la recette miracle pour un accouchement facile, osez aller avec celles qui mettent au monde en maternité et laissez les vous apprendre. ». 

Quelle que soit l’ouverture du col, quelle que soit l’intensité des contractions, si cette femme est seule, ignorée, apeurée, tendue…elle ne pourra pas mettre au monde sans interventions extérieures. Mais si elle est bien accompagnée, elle n’aura pas besoin d’être sauvée, même si elle a besoin d’interventions pour une raison médicale.

Alors la nuance est plutôt discrète mais quand elle s’invite dans notre esprit et nos propos, on apprend à écouter ce qui se passe dans l’instant. Elle nous rend plus humble face à nos certitudes.